« Aucun journaliste ne sait plus ce qu’est une bonne nouvelle ». – Le Dalaï Lama
Le fait marquant des trois derniers mois et notamment du mois de février est sans conteste la remontée des taux longs, notamment aux Etats-Unis, par crainte de surchauffe de l’économie. L’ampleur et la rapidité de ce mouvement sont ainsi venues stopper la hausse des marchés actions à la fin du mois de février et ont eu des impacts différents en fonction des indices boursiers.
Pourtant, depuis l’année dernière, les marchés étaient particulièrement bien orientés. Les banques centrales avaient constamment réaffirmé leur volonté de continuer à être particulièrement accommodantes. De plus, les Etats semblent également décidés à prendre le relais de la liquidité apportée par les banques centrales en effectuant de la relance budgétaire. Si en Europe, le plan de relance des Etats avait été initialement menacé de blocage par certains pays, il semble que, finalement, un compromis ait été trouvé, ce qui devrait permettre une mise en œuvre rapide. Aux Etats-Unis, un nouveau plan de soutien ambitieux va également être très rapidement mis en œuvre.
Olivier Malteste, Gérant Gestion multi-actifs Lyxor AM
Comment interpréter cette hausse des taux observée depuis la fin janvier et qui s’est accélérée en février ?
La hausse des rendements obligataires s’explique essentiellement par une augmentation des anticipations d’inflation et une anticipation de la reprise plus forte que précédemment. Il faut se souvenir que l’année dernière, avec le confinement généralisé et la fermeture de pans entiers de l’économie mondiale, tout le monde redoutait le phénomène inverse, c'est-à-dire la déflation. Economiquement, le retour de l’inflation est donc une bonne nouvelle. Pourtant, les marchés actions ont reculé et les investisseurs sont devenus plus nerveux au fur et à mesure que les taux d’intérêts progressaient. Les investisseurs auraient-ils un point commun avec les journalistes puisque comme le dit le Dalaï Lama : « Aucun journaliste ne sait plus ce qu’est une bonne nouvelle ». Cette crainte des marchés financiers est-elle une simple erreur de jugement passagère ?
Plusieurs facteurs expliquent l’impact négatif de la bonne nouvelle sur les marchés actions. Tout d’abord, mathématiquement, l’augmentation des taux d’intérêts abaisse la valeur actualisée des revenus futurs des entreprises et cela a donc tendance à entraîner les cours des actions à la baisse. Mais surtout, l’un des mandats des banques centrales étant la stabilité des prix, les investisseurs redoutent que celles-ci soient contraintes de diminuer leurs soutiens à l’économie plus rapidement que prévu.
A ce stade, les discours des banquiers centraux sont plutôt rassurants. La banque centrale américaine a rappelé que sa principale préoccupation était le retour du plein-emploi aux Etats-Unis et qu’elle maintiendrait donc sa politique accommodante tant que le chômage serait trop élevé. De plus, la question la plus importante est de savoir si la hausse observée de l’inflation n’est que transitoire, provoquée par un simple effet de base et de retour à la normale des prix et de l’activité, ou si la hausse est plus structurelle. Tant que le marché de l’emploi n’a pas repris plus de vigueur, il paraît prématuré de penser que nous sommes nécessairement rentrés dans un cycle inflationniste plus long. De plus, il faut garder en tête qu’étant donné les niveaux d’endettement de l’économie mondiale, il est nécessaire que les taux d’intérêts restent relativement faibles. Nous pourrions ainsi même imaginer nous retrouver dans une situation paradoxale dans laquelle les banques centrales devraient augmenter la liquidité apportée aux marchés afin de maintenir les taux longs relativement bas alors que la croissance accélérerait.